Sekerim

Constantinople, fin du XIXe siècle.

Anastassia, la belle chrétienne grecque est la brodeuse de la Sublime Porte. Elle sert avec amour et dévouement le Sultan Abdülhamid II. Ce dernier l'appelle Sekerim : ma douce, ma gracieuse. S'ensuit une histoire d'amour passionnée. Du fruit de cet amour naîtra un garçon, le Prince Omer Hallil, dont l'existence est son grand secret. Toute sa vie, elle la consacre à broder de ses mains expertes les atours de son sultan, de les recouvrir de fils d'or et d'argent, de les orner de diamants, de rubis, d'émeraudes. L'admiration en même temps que l'attachement qui la lie à son Patisah, lui font oublier les souffrances, le tumulte, la clameur et les massacres qui se déroulent à sa porte, à Constantinople, dans les villages alentour, dans les Principautés et le Royaume.

Sekerim est une artiste, mondaine et rêveuse. Elle aime les fêtes, elle aime côtoyer les sultanes et les femmes du harem. Servir le Grand Sultan et son harem est une chance mais aussi un risque. Dans les palais ottomans de Yildiz et de Dolmabahçe, elle est le témoin des jeux diplomatiques qui conduisent l'immense empire ottoman à des jours funestes. Sa vie n'est qu'une suite d'aventures contradictoires, d'une part la fièvre de ses sentiments et la belle vie qu'elle mène au palais, dans la Ville, d'autre part cette peur permanente qui résonne comme un glas dans son cœur.

Élisabeth, fille unique de Sekerim, elle, a un caractère bien différent. C'est une femme sérieuse et dure. Et c'est dans les douces plaines pacifiques de la Cappadoce qu'elle jouit des grâces de la vie. C'est là aussi qu'ont débuté depuis la fin du XIXe siècle les dangereuses attaques des brigands et des jeunes nationalistes turcs. Élisabeth y cultive les immenses propriétés aux riches récoltes qui amassent dans les greniers de sa demeure et qui lui procurent l'or de ses galeries, les ducats d'or entassés dans ses pots et qui lui remplissent le cœur de bonheur. Le siècle change et c'est le début d'un nettoyage ethnique. Ankara devient la Mecque des nationalistes. Les attaques turques dans les villages grecs se multiplient. Derrière tout cela, c'est bien entendu Moustapha Kemal qui se cache! Le jeune révolutionnaire a des desseins hardis. Il anéantira les Arméniens, les Juifs, les Kurdes, les Chrétiens et avec haine il chassera pour toujours le Sultan.

C'est l'époque où les Traités se succèdent. Toute l'Europe est remodelée, des changements politiques économiques et sociaux très importants voient le jour surtout en Turquie et en Grèce. Kemal nettoie le territoire de la présence de tous les Grecs et ouvre la porte à « l'Échange des populations Grecs et Turques». En Cappadoce la famille de Sekerim enterre profondément dans la terre de ses ancêtres tous ses biens et avec eux son âme, alors que les corps prennent la route de Constantinople où la famille est « établie ». Là, ils seront protégés par la loi. En arrivant à Constantinople, à la gare de Haydar Pacha, les officiers Jeunes Turcs reconnaissent Sekerim.